Born in the USA de Bruce Springsteen

Born in the USA de Bruce Springsteen

3 septembre 2022 0 Par Olivier - Ride Your Life
Temps de lecture estimé : 10 minutes
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Born in the USA est probablement la chanson la plus connue de Bruce Springsteen, et accessoirement son plus gros succès commercial.

Alors, Bruce s’est-il transformé en ambassadeur du « made in the USA et fuck the rest », ou bien aurait-il pondu une chanson bien alambiquée au titre trompeur, plongeant une partie du monde politique outre-Atlantique (et pas que) dans un profond big & massive misunderstanding ?

Ou bien aurait-il composé la B.O.F. idéale pour le film Rambo ?

Quasiment tout cela, en fait.


SOMMAIRE :


1- La chanson | Clip original de 1984

2- Torn in the USA
Parce que dans l’fond, c’est bien là le sujet.
Avec une p’tite dissection du texte, tant que nous y sommes.

3- Bruce vs. Les Républicains | Acte 2
Bruce revient, et il n’est pas content.
Après, il l’a tout de même cherché en laissant planer une certaine ambigüité au niveau de sa chanson.
Mais être récupéré par les rep’s, il a eu du mal à s’en remettre.

4- La version live de 1988 à Buenos Aires
Celle qui met toutes les autres versions en PLS.

5- Vers une trilogie Bruce Springsteen…

En Savoir Plus >>

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Surtout, fais-toi plaisir ! Et à nous également, par la même occasion 🙂


1- Born in the USA | La chanson (clip original de 1984)


– Source : Youtube | Bruce Springsteen / Born in the USA –

Voilà un décor bien springsteenien : l’industrie, les sorties d’usines, la vie des gens des classes moyennes et ouvrières, ce couple de jeunes mariés qui me fait penser à mon copain Ron, GI vétéran d’Irak et d’Afghanistan, les fêtes foraines, les files d’attente devant les bureaux d’aide sociale, les GI à l’entrainement, les vétérans estropiés ou tatoués, le p’tit « yellow man » Born in the USA dont la maman en a probablement pris plein la gueule, les cimetières de vétérans, les ouvriers en train d’assembler les bagnoles que conduiront ceux qui sont restés au chaud et dont certains ont dégueulé sur les vilains soldats (qui n’ont fait qu’obéir, et qui n’ont pas signé un contrat prévoyant une clause de conscience) and so fuckin’ on

Le tout entrecoupé d’images du Boss grimé en Rambo. Si si.

Et qui finit par se retrouver face à la bannière étoilée, puis par se tourner vers la caméra, le visage défait.

Clip bien foutu, je trouve.

À cela prêt que si tu n’écoutes pas attentivement les paroles ou ne comprends pas l’Anglois, tu peux aussi y voir une galerie d’images de la middle class des USA, qui sourit et vit sa vie tranquillement.


2- Torn in the USA


Non, il ne s’agit pas d’une coquille. Je trouve juste que le titre Torn in the USA eut été parfaitement seyant, peut-être parce que plus explicite par rapport au sens du texte de la chanson.

Si tu prends le mot torn (déchiré, en Français) dans son acception « partagé », c’est ce qui ressort de cette chanson.

Le texte révèle clairement le côté peu reluisant des USA vus au travers des ravages générés par la guerre du Vietnam (et les suivantes). Syndrome post-traumatique, abandon des vétérans à leur très triste sort (selon de nombreuses estimations, 25% des SDF recensés aux USA sont des vétérans de diverses guerres – Irak, Afghanistan…) et galères sociales.

D’un coup, ça ne fait plus très american dream. Et c’est très réel.


De quoi qu’il cause le texte, justement ?

D’un p’tit gars parti de son patelin aux USA (a dead man’s town – ça sent Freehold à plein nez), pour aller tuer des « jaunes » loin de chez lui (« Sent me off to a foreign land / To go and kill the yellow man »).

On lui colle un fusil dans les mains, et à peine arrivé sur place, il se prend sa première claque et explique qu’il est comme un chien battu qui va passer la moitié de son temps planqué afin d’éviter les balles.

Après avoir vécu l’enfer de la guerre, de retour au pays, il tente de trouver un job dans une raffinerie – mais pas de bol, c’est la crise et en plus pas grand monde ne veut de ces vétérans. Le contremaitre / recruteur lui dit « Fils, si ça ne dépendait que de moi… » (Son, if it was up to me), et le responsable du bureau local des vétérans lui dit « M’enfin gamin, tu ne comprends donc pas ? » (Son, don’t you understand?).

Ensuite, p’tite séquence retour mémoriel en enfer, il parle de son frère d’arme tombé à Khe Sanh. Son copain est mort, les autres (les Viêt-congs) sont encore en vie (Fighting off the Viet Cong / They’re still there, he’s all gone). Autrement dit : y a eu plein de morts pour kedale, parce que les Viêt-congs ont gagné, et nous nous sommes rentrés perdants et meurtris.

Un dernier mot sur la petite amie du copain défunt, rencontrée à Saïgon, et il parle d’une photo des deux tourtereaux, histoire de rappeler que de nombreux couples mixtes se sont formés sur place.

Retour sur plus de 10 années de galère à parcourir la route en vain, à la recherche d’une nouvelle vie.

Et ça finit par une répétition du Born in the USA, entrecoupé par l’image d’un vétéran qui a vieillit et est devenu un genre de père peinard (mon cul) qui flâne sur le rockin’ chair de sa terrasse.

En fait, dans une certaine mesure, il est comme son pote durant la bataille de Khe Sanh (ou une autre), ça fait longtemps qu’il est mort et que son pays l’a laissé agoniser.

C’est joyeux, non ?


Si on parle souvent – et à raison – des morts (soldats et civils) occasionnés par les guerres, on a mis beaucoup de temps à parler d’un sujet tout aussi dramatique : le sort des survivants.

Aucun esprit n’est vraiment préparé à survivre aux horreurs de la guerre vécue en son cœur. Qu’il s’agisse d’avoir vu tes frères d’arme mourir à côté de toi – souvent pour t’éviter de crever toi-même – ou d’aller relever leurs dépouilles découpées en morceaux après une opération foireuse et mal calibrée, ou encore de te souvenir de ce que tu as dû faire – guerre oblige – c’est très souvent insurmontable. Les guerres propres vs. les guerres sales, c’est un concept de salon pour ceux qui théorisent et vendent des bons sentiments et te remanient l’Histoire à leur convenance.

Comme le chantait Gérard Berliner :

« Ils sont partis vaille que vaille
Mourir quatre ans dans les tranchées
Et l’on racontait leurs batailles
Dans le salon après le thé
»
– Extrait du texte de la chanson Louise de Gérard Berliner –

Fin’ voilà, la guerre c’est forcément sale, et parfois, y survivre c’est pire que d’y mourir, dans une certaine mesure, mais si tu l’observes depuis une orbite géostationnaire, forcément, t’en as aucune idée…


La B.O.F. parfaite pour Rambo

Je ne te projette pas dans une réalité alternative et te confirme que Born in the USA ne figure pas au sein de la B.O.F. de Rambo. Déjà, cela serait anachronique, vu que Rambo est sorti en 1982, et Born in the USA en 1984.

Par contre, la thématique du film et de la chanson sont tellement proches que cela m’eut semblé – à l’anachronisme évoqué près – une évidence.

J’en veux pour preuve le look de Bruce dans la vidéo officielle. Y a pas à tortiller, c’est limpide.

Ramborn in the USA

P’tain, je vais proposer à Bruce et à Sly un reboot de Rambo (en plus Sly a songé à en faire un, il n’y a pas si longtemps que cela) : Ramborn in the USA !

Comment ça claque…

En y réfléchissant, il y a bien plus de points communs entre Sylvester Stallone et Bruce Springsteen, notamment vus au travers de Rocky et Rambo pour le premier, et de Born to Run et Born in the USA pour le second.

Rocky, c’est l’american dream, Rambo c’est l’american nightmare. Les 2 facettes d’une même pièce, que l’on retrouve dans l’ambiguïté de Born in the USA, qui nous conte l’incapacité d’un vétéran à retrouver le rêve américain, parce qu’il en a vécu le cauchemar. Mais Bruce martèle « Born in the USA » et fait sautiller des dizaines de milliers d’Argentins en 1988 (voir bonus track), arborant fièrement la bannière étoilée.
Et le Born to Run de Bruce, c’est une allusion (plus qu’explicite puisque l’expression ressort dans le texte) au rêve américain, même s’il est aussi vu dans ses excès et ses pièges (les suicide machines), mais quoi qu’il en soit, Bruce sait qu’il a un rêve à accomplir, et qu’il doit quitter Freehold s’il veut pouvoir faire cela, tout comme Rocky sait qu’il doit casser des bouches, gober des œufs crus et se péter les mains sur des carcasses de barbaque.

Cette scène du film Rambo retrace presque la chanson couplet après couplet :

– Source : Youtube | Extrait du film Rambo –

D’ailleurs, sans aucunement vouloir insister sur le parallèle entre Born in the USA et Rambo (pas mon genre d’insister), le (pas) cool daddy sur son rockin’ chair, ça correspond à la scène finale du dernier volet de la saga – Rambo: Last Blood.

À mon avis, un tel lien, ça relève limite de la physique quantique.


Enchaînons sur un autre combat, cette fois-ci entre Bruce et ses copains les Républicains.


3- Bruce vs. Les Républicains | Acte 2


Voui, j’en remets une couche à ce sujet, comme convenu au sein de cet article consacré à Born to Run.

Si dans une certaine mémoire collective, nombreux sont ceux qui pensent que Ronald Reagan avait utilisé Born in the USA comme hymne à l’occasion de sa campagne de réélection en 1984, il n’en est rien.

Comment ça j’étais le seul à croire m’en souvenir ?

En fait, Reagan avait fait allusion à la chanson, sans jamais la nommer :

« America’s future, rests in a thousand dreams inside your hearts. It rests in the message of hope in the songs of a man so many young Americans admire—New Jersey’s own, Bruce Springsteen. ».
– Source / cet article >>

« Le futur des USA repose sur 1 000 rêves dans vos cœurs. Il repose sur le message d’espoir contenu dans les chansons d’un homme que tant de jeunes Américains admirent – Bruce Springsteen, du New Jersey. ».

Nul doute que Bruce, grand dépressif s’il en est, s’est échiné à écrire ce titre qui remplit nos cœurs d’espoir… La déchéance d’un soldat de retour de la guerre, qui a vu crever ses frères d’armes et qui ne parvient pas à trouver un emploi, moi ça me file un putain d’espoir en l’avenir.

Toujours est-il que Ronald n’a pas cité la chanson (vu qu’il ne l’avait probablement pas écoutée et encore moins comprise, au mieux l’avait-il entendue) durant sa campagne.

Par contre, son successeur – Georges Bush daron – lui, il est allé au bout du concept, et a donc utilisé la chanson à l’occasion de ses meetings, comme ce qu’elle n’est pas, c’est à dire un hymne à la gloire du pays.
J’te laisse imaginer comment Bruce a kiffé.

Techniquement, je pense que cette utilisation sans autorisation et contre nature était un exemple typique d’infringement (scuse’, j’me la joue bilingue, ça veut dire infraction), mais à ma connaissance, il n’y a pas eu procès à ce sujet.

L’ami Wiki nous indique ceci :

« Springsteen n’a pas apprécié cette connotation patriotique attribuée à ce titre, au point que pendant des années, il n’interpréta cette chanson pourtant iconique de son répertoire qu’en ballade acoustique sans le refrain pour mieux redonner au texte son amertume et son sens originel »
– Source : Wikipedia


L’incompréhension du texte de la chanson… liée à une certaine ambiguïté

Si tu lis les paroles de la chanson, et que tu t’y accroches rigoureusement comme une moule à son bouchot, tu peux légitimement te demander où les rep’s ont bien pu trouver un hymne à la gloire des USA.
Et plus encore un message d’espoir à l’endroit de la population, jeune ou pas.

Cela étant dit, la chanson contient tout de même des éléments qui entretiennent ce malentendu.

Si ça n’est pas un hymne officieux, ça en a tout l’air. Parce que si des rep’s qui causent l’Américain se sont laissés prendre (nan mais qui écoute les paroles des chansons, hein ?), à l’international, c’est encore plus trompeur. Tu ajoutes à cela le titre, martelé durant la chanson, la pochette du disque, le clip – qui s’il est décorrélé des paroles ressemble à une american way of life des milieux populaires, une audience qui soit ne comprend pas l’Anglois, soit n’écoute pas attentivement les paroles, et ça donne ce qui suit.


4- Born in the USA | La version live de 1988 à Buenos Aires


– Source : Youtube | Bruce Springsteen & the amazing E Street Band / Born in the USA (live @ Buenos Aires / Human Rights Now! tour en 1988) –

Si nous faisons abstraction de la présentation faite par Sting qui avait semble-t-il piqué un pull à Mark Darcy et copié la coupe de cheveux de Steven Seagal dans les années 1990, cette vidéo est une pure perle que même la plus arrogante des huîtres jalouserait.


Bruce et son E Street Band sur le toit du monde

Au niveau de la prestation en elle-même, tu as un Bruce Springsteen complètement habité, presque en état de transe, qui maltraite sa guitare comme un bûcheron manie sa hache pour couper du châtaignier et nous délivre un « solo » qui laisse certainement indifférents les amateurs d’astiqueurs de manche supersoniques – mais qui est tellement rock pur jus dans sa sobriété que j’en frémis à chaque fois. Côté E Street Band : Clarence (encore vivant en ce temps-là) assure le show, Max poutre ses futs et ses cymbales comme un ours (et putain que c’est bon), Patti gratouille gentiment en se disant que ce soir, ça sera encore elle qui s’endormira auprès du beau gosse, Steven ne ressemble pas encore à un clone de Steven Seagal.

Ils sont tous en état de grâce, c’est un pur instant de communion avec un public totalement acquis à la cause.


Le public argentin, parlons-en !

Cet extrait se déroule durant la tournée de concerts Human Rights Now! de 1988.

Le concert a lieu dans le stade River Plate Stadium de Buenos Aires. 75 000 Argentins reprennent en chœur le refrain de Born in the USA en sautillant, certains arborant et agitant un drapeau US.
Bien sûr, à tête reposée, tu peux te dire qu’accueillir des états-uniens comme libérateurs quand tu es citoyen d’un pays d’Amérique du Sud, c’est d’une grande candeur.

Alors il faut rappeler le contexte : les Argentins sortent à peine de l’enfer d’une dictature sordide s’il en est, qui a laissé des traces indélébiles : des dizaines de milliers de morts, des exécutions façon crimes mafieux, au moins 30 000 disparus, des centaines de milliers d’arrestations sommaires et au moins tout autant d’exilés, et j’en passe.

Pour couronner le tout, les Argentins ont perdu la guerre des Malouines quelques années plus tôt, laissant le pays humilié par la Grande-Bretagne. Seul Diego Maradona leur apportera une petite vengeance en crucifiant l’Angleterre durant la finale de la Coupe du Monde de 1986, au Mexique.
Diego qui – tel un héros vengeur sorti tout droit d’une mythologie antique – leur a infligé un but de voyou marqué du poing, suivi d’un but d’anthologie en effaçant 6 Anglais en 80 mètres de course, dont un Peter Shilton (une autre légende s’il en est) médusé. Fin’ bref, c’est l’Histoire tout cela.

Pour en terminer avec leurs malheurs, ils sont entrés dans une phase hyperinflationniste ; dans les 2 années à venir, le taux d’inflation va effectivement culminer… atteignant des montants à 4 chiffres.
Alors Bruce et son E Street Band en concert dans leur temple du football, c’est une offrande divine.

Allez, on se le refait (le second but de Diego), pour le plaisir :

– Source : Youtube | Second but de Diego Maradona / Finale Coupe du Monde de 1986 –

Ces Argentins meurtris, ils ont faim. De tout, et surtout de liberté – ou d’idée de liberté. Alors je pense que même si les chanteurs de la tournée étaient venus de Corée du Nord, ils auraient brandi les drapeaux du pays de leurs héros du jour.

Tout cela fait que cette version, pour moi, elle est unique et transcende toutes les autres que j’ai pu voir et écouter.


5- Vers une trilogie Bruce Springsteen…


Voilà mes chéris, fin de l’article du jour et peut-être fin de cet courte série consacrée à Bruce Springsteen, sauf si l’envie de causer du titre Dancing in the Dark (qu’Amy a également repris) continue de me chatouiller (comme ça j’aurai une trilogie Springsteen, c’est chouette les trilogies).


La Trilogie Bruce Springsteen :

(eh bien finalement…)


J’vous fais plein d’bisous et vous dis à bientôt.

Olivier



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Illustration principale : Image par Mediamodifier de Pixabay
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Paroles de la chanson « Born in the USA » | Auteur : Bruce Springsteen


Sources documentaires :

Wikipedia
Mon p’tit doigt


Notes rédactionnelles & mises à jour :

Article mis à jour le 22/01/2023 (CG-RYL-2023).
Article mis à jour le 21/12/2022 (Norme RYL-12-2022).


SÉLECTION MUSIQUE :


AUTEUR(S) DE L’ARTICLE :

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