Il Ragazzo della Via Gluck d’Adriano Celentano
8 juin 2023Adriano Celentano, c’est à la fois le Johnny Haliday (de par sa popularité, jamais démentie depuis plus de 50 ans) et le Gilbert Becaud (de par l’un de ses surnoms : « Il Molleggiato » / (« Le Bondissant ») italien.
Allez, soyons clairs : c’est THE BOSS de l’Italie.
En 1966, il participe une nouvelle fois au Festival de Sanremo, et y chante « Il Ragazzo della Via Gluck », une chanson qui tranche par rapport à beaucoup de ses compositions précédentes, ainsi que par un texte abordant une thématique sociétale.
S’il ne passe par la première soirée de qualifications pour la suite du festival, Adriano obtient avec cette chanson un immense succès auprès du public en Italie, et au-delà, affirmant le statut grandissant d’Il Mito (« Le Mythe » – eh oui, encore un surnom).
Allez, viens avec moi, nous partons en Italie – le second plus beau pays du monde, puis nous ferons un crochet par la France (le premier).
SOMMAIRE :
1- La chanson
Avec un live issu d’un concert exceptionnel.
2- De quoi qu’ça cause ?
Pas de Philippe Geluck !
3- L’adaptation en Français
Par la sublime…
4- Nostalgie, quand tu nous tiens…
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1- La chanson « Il Ragazzo della Via Gluck »
Nous reviendrons plus en détail sur le parcours de cette chanson à l’occasion du Festival de Sanremo et du devenir de cette chanson au sein du chapitre 3.
À propos du concert « Rock Economy »
En octobre 2012, Adriano Celentano ravit un public auquel il manquait terriblement : cela faisait 18 ans qu’il ne s’était pas produit en concert.
Difficile de parler d’Adriano Celentano sans parler de son engagement social et politique. D’ailleurs, le nom donné au concert est explicite : « Rock Economy ». Derrière une prestation très attendue par un public totalement acquis à sa cause, il en a profité pour glisser – entre des chansons traitant d’ailleurs du sujet de l’économie, comme Svalutation (qui fait l’objet d’un autre article, j’me sens Italien ces jours-ci) – quelques messages visant à livrer sa vision de l’évolution de la société, du monde, de l’économie et tutti quanti. C’est en fait ce qu’il a fait tout au long de sa carrière.
Fidèle à ses engagements, il insiste pour que plusieurs milliers de place soient vendues au prix d’un euro. Quand tu vois le prix des places pour les concerts de The Rolling Stones ou de U2, tu comprends de suite qui sont les stars du vrai rock, c’est à dire celles qui sont fidèles à un idéal doucement révolutionnaire, militant et tourné vers la contestation vis-à-vis des dérives de la société.
À 300 ou 800 boules la place (en recyclant des chansons qui ont pour la plupart plus de 50 ans, dans le cas d’un des deux groupes mentionnés), tu ne fais plus du rock’n’roll, tu fais du business chanté.
Un p’tit tacle à destination du Festival de Sanremo
À la question :
« Le Festival l’a torpillée [NDLR : « Il ragazzo della via Gluck »], mais la chanson a décollé dans les ventes et a été traduite dans de nombreux pays. Quelles explications ont été données à l’époque ? »,
Adriano répond avec malice :
« Honnêtement, je ne l’explique pas non plus, mais Sanremo est célèbre pour « rejeter » ce qui ne correspond pas aux rituels de Sanremo. Il y a de nombreux exemples : Battisti, Vasco Rossi, Dalla… Je pense que le succès de « Il ragazzo della via Gluck » réside dans l’originalité du texte et de la musique. Une ballade interprétée par moi, qui venais du rock, où je « parlais » soudain d’un problème social, à ce moment-là inconnu de la plupart des gens. Je me souviens être parti de la gare centrale de Milan pour me rendre au Festival et étrangement, j’étais seul avec une petite valise. Dès que le train a démarré, un journaliste de l’Avanti! a commencé à courir après le train et à me poser des questions alors que j’étais penché à la fenêtre (à l’époque, c’était possible) pour me demander ce que je pensais faire à Sanremo. J’ai répondu : « Rien, parce qu’ils vont me rejeter et je serai éliminé tout de suite ». Et c’est ce qui s’est passé et c’est devenu le succès de la chanson. Donc les chanteurs qui vont au Festival devraient toujours espérer un rejet qui les mènera droit au succès ! »
– Source : https://www.repubblica.it/spettacoli/musica/2016/02/15/news/celentano_ragazzo_via_gluck-133497677/) –
Ça n’est pas pour rien qu’un autre des surnoms d’Adriano Celentano est « Il Ribelle » (« Le Rebelle »)…
Un rocker, c’est avant tout cela.
2- De quoi qu’ça cause ?
De l’enfance, de la nostalgie de celle-ci (pas de la radio du même nom, mais bien du substantif). Et puis d’une certaine idée de l’écologie.
Le texte est magnifique.
Adriano y parle de « (Voilà) l’histoire de l’un de nous, lui aussi né par hasard dans la rue Gluck » (« Questa è la storia / Di uno di noi / Anche lui nato per caso in via Gluck »), qui quitte son quartier (dans la périphérie de Milan) natal pour le centre ville bien plus moderne, mais est en fait déchiré par cette décision.
Ce faisant, il sait qu’il abandonne une vie plus simple, avec la nature qui cohabite avec des immeubles qui bénéficient de peu de confort, mais il sait que ce sont ses racines.
Il dit aussi qu’il reviendra un jour, car le bonheur – pour lui – c’est aussi simple que cela « C’est une chance, pour ceux qui restent / Pieds nus à jouer dans les prés / Pendant qu’ici au centre, je respire le béton » ( « È una fortuna, per voi che restate / A piedi nudi a giocare nei prati / Mentre là in centro io respiro il cemento ») ;
Le retour promis, c’est « Ma verrà un giorno che ritornerò / Ancora qui / E sentirò l’amico treno / Che fischia così / « Uah, uah » » (« Mais viendra un jour où je reviendrai / Encore ici / Et j’entendrai l’ami train / Qui siffle ainsi / « Wah, wah » »).
Il s’agit en fait d’un dialogue imaginaire, entre Adriano et lui-même.
Parce qu’il parle de lui, de cette enfance qu’il chérit avec nostalgie. Ce n’est pas que le petit garçon qui a quitté son quartier de la périphérie milanaise, pour partir habiter avec sa maman au centre ville chez son grand frère (il est vrai, notamment, pour des raisons de confort moderne, genre l’eau courante…), c’est aussi le centre ville moderne de Milan qui s’est étendu.
Alors le retour vers ce quartier de son enfance, il ne peut le faire qu’en chanson parce qu’il n’existe probablement plus que dans ses souvenirs
Quoi qu’il en soit, nous retrouvons dans ce texte plusieurs thématiques chères à d’Adriano : la nostalgie, l’écologie – ou tout du moins une conscience environnementale évidente, et le fait qu’il n’a jamais oublié d’où il venait.
Tu peux en consulter le texte dans son intégralité sur le site Genius en cliquant ici >>
3- L’adaptation en Français de « Il Ragazzo della Via Gluck »
Par la sublime Françoise Hardy :
Françoise, à cette époque, c’est LA chanteuse française la plus connue et appréciée en Italie.
La (très) belle, qui avait hésité un moment, franchit le pas et participe au Festival de Sanremo en 1966, avec la chanson « Parla mi di te ».
Malgré son appréhension, son trac et le fait que l’Italien n’est pas sa langue naturelle, elle parvient en finale. C’est un véritable exploit, d’autant que son partenaire du moment a proposé une prestation mitigée (pour ne pas dire foirée…). À noter que le fameux festival n’est ouvert aux étrangers que depuis 1964, et que les artistes français sont donc peu coutumiers de Sanremo.
Côté artistes français, Richard Anthony y a déjà participé en 1964, ainsi que Petula Clark en 1965 (soufflant à l’occasion – pour ainsi dire – la place à Françoise). Richard obtiendra d’ailleurs quelques beaux succès chez nos cousins italiens.
Mais en fait, le plus important pour Françoise se déroule pour ainsi dire dans les coulisses : le premier soir, elle découvre la chanson d’Adriano, et là c’est le coup de cœur.
C’est Eddie Marnay qui se charge de l’adaptation – très réussie – du texte en Français, et « La maison où j’ai grandi » devient un immense succès pour Françoise Hardy, devenant l’un de ses grands classiques.
Elle proposera également une version en Italien.
Pour plus d’informations au sujet de la participation de Françoise Hardy à l’édition 1966 du FSR, lire ce formidable article, magnifiquement documenté et écrit >>
4- Nostalgie, quand tu nous tiens…
Si la nostalgie nous pousse parfois à tenter d’emprunter le chemin de notre enfance, c’est en vain : nous pouvons retourner dans les mêmes endroits, sentir les mêmes parfums (cf. « la madeleine de Proust » – qui, au passage, était initialement une tartine de pain grillé), nous ne chaussons plus les mêmes bottes.
Après, il y a le bon côté de la nostalgie : se remémorer les belles choses d’une vie passée, et les revivre, mais dans ses bottes d’adulte. Il ne faut pas confondre la nostalgie (qui est la résultante d’un souvenir doux, d’une époque et de ses situations) et passéisme, même si parfois, la frontière entre les deux peut être ténue…
Nous pouvons aussi méditer cette phrase d’André Franquin – notamment papa de Gaston Lagaffe, qui fit également les grandes heures de Spirou & Fantasio :
« un adulte, c’est un enfant qui a mal tourné »
L’important est donc de conserver une part de l’enfant en nous, de ne jamais l’oublier, car c’est lui qui a construit l’adulte que nous sommes. Il faut le regarder avec affection, veiller à soigner ses blessures – et là nous sommes une fois encore inégaux, car si personne ne ressort vraiment totalement indemne de l’enfance, il y en a de bien plus heureuses que d’autres.
Conserver un peu de candeur, de cette capacité d’émerveillement propre à l’enfant, c’est ce qui fait de nous, arrivés à l’âge adulte, des enfants qui n’ont pas trop mal tourné.
Bisous mes chéris 🙂
Olivier
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Illustration principale : Image par Silke de Pixabay
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Auteur du texte de la chanson « Il Ragazzo della Via Gluck » : Luciano Beretta
Sources documentaires :
Wikipedia
https://erikdoorme.be/0166b/
Article du journal « la Repubblica »
Notes rédactionnelles & mises à jour :
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AUTEUR(S) DE L’ARTICLE :
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- Svalutation d’Adriano Celentano - 12 juin 2023