La Chapelle de Loretto et son Escalier Miraculeux
28 septembre 2022La Chapelle de Loretto (Chapelle de Lorette selon la francisation du nom), située à Santa Fe (au Nouveau-Mexique / USA) est mondialement connue pour abriter un escalier en colimaçon – désigné par certains comme étant un « Escalier Miraculeux » – qui continue à fasciner de nombreux amateurs de charpente, tout autant que de nombreuses personnes ayant une sensibilité religieuse.
SOMMAIRE :
4- Bonus tracks
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Surtout, fais-toi plaisir ! Et à nous également, par la même occasion 🙂
1- La Chapelle de Loretto
La Loretto Chapel – « Chapelle de Lorette » en Français – est située à Santa Fe au Nouveau-Mexique, charmant état des USA, notamment bordé par l’Arizona et le Texas (lieux si chers à de nombreux westerns), riche de nombreuses ressources (métaux précieux, hydrocarbures, uranium, coups de soleil…), lit du fleuve Rio Grande et également l’un des fiefs des Navajos (enfin de leurs survivants), « cousins » des Apaches.
Cette chapelle fait l’objet d’une grande curiosité en raison d’une très belle histoire qui accompagne la construction de son escalier en colimaçon, souvent connu sous le nom d’Escalier Miraculeux de Santa Fe (ou de la Chapelle de Lorette).
La Chapelle de Loretto a continué son office public jusqu’en 1968, avant que le domaine ne soit racheté par un musée privé. Le reste des édifices semble avoir été détruit.
Le musée accepte encore de nos jours la célébration de mariages au sein de la chapelle.
Sortons maintenant nos manuels webiens d’histoire, notre loupe et satisfaisons notre curiosité.
2- L’Escalier Miraculeux de la Chapelle de Loretto
Ah ben oui, le grand mot – miraculeux – est lancé, que n’ai-je pas fait là ?
Bien entendu que le fait de qualifier cet escalier en colimaçon de « miraculeux » est certainement une interprétation, un point de vue. Beaucoup se sont d’ailleurs penchés sur la question afin de trouver des explications plus rationnelles (je t’en parle plus bas).
Cela me fait – dans une certaine mesure – penser au Coral Castle construit par Edward Leedskalnin et aux diverses interprétations de son histoire. J’en cause de manière assez détaillée au sein de cet article consacré à la chanson Sweet Sixteen de Billy Idol.
Intéressons-nous donc à cette belle histoire qui entoure la construction de cet escalier qui, miraculeux ou non, demeure une merveille en matière de charpente*.
* parole d’expert en matière d’assemblage de meubles en kit.
Viens à bord de mon Tardis
Nous sommes donc à la fin des années 1870, à Santa Fe, comme tu le sais. Les nonnes de l’ordre des Sœurs de Loretto ont fait appel à des architectes français (oui ! Coq au Rico !) : Antoine Mouly et son fils Projectus (là on sent que papa Mouly était super inspiré) afin de construire une école pour jeunes filles ainsi qu’une chapelle attenante.
Si le duo père / fils fait du beau boulot, le fiston – entièrement dévoué à la construction de la chapelle (papa avait dirigé la construction de l’école) semble malheureusement avoir oublié un détail : la construction d’un escalier reliant la nef à la loge de la chorale.
Enfin quand je dis « oublié », ça fait penser à Numérobis, j’avoue. La réalité semble moins drôle, puisque l’absence de l’escalier incombe plutôt à la disparition prématurée de Projectus en 1879, laissant supposer qu’il n’avait pas intégralement terminé l’ouvrage.
Toujours est-il que nos sœurs s’en trouvèrent fort désappointées, et lancèrent un appel à contribution aux charpentiers locaux – resté sans réponse satisfaisante – afin de faire construire l’escalier manquant.
Il faut dire que la configuration des lieux les rebuta tous, en raison de l’exiguïté du seul lieu prêtant à la construction de l’escalier ardemment désiré (et ne nous mentons pas, ultra nécessaire). La construction d’un escalier droit ou tournant aurait été possible, mais aurait pris bien trop de place au niveau de la nef, d’où la notion d’exiguïté dont je cause au début de ce paragraphe.
N’oublions pas également que nous avons affaire à des religieuses, et que pour elles, à l’instar d’un Joe Black disant « Dans la vie, il y a toujours des solutions » ; elles savaient donc qu’une solution serait trouvée… à hauteur de prier pour, vu que les petites annonces dans les journaux du coin ne furent pas concluantes.
Elles entamèrent donc une neuvaine (prières répétées sur une durée de 9 jours) et invoquèrent Saint-Joseph, patron des charpentiers (et papa de Jésus).
Au dernier jour de cette neuvaine, un inconnu se présenta et leur offrit ses services de charpentier. À la condition de travailler seul, et dans le plus grand secret.
Muni de quelques outils à main rudimentaires, il s’isola et réalisa l’ouvrage, à priori en plusieurs semaines voire mois (les versions divergent).
Son travail terminé, il quitta les lieux sans demander la moindre rétribution et sans que les sœurs n’eussent jamais connaissance de son nom.
La structure de l’escalier était assez déroutante : un escalier en colimaçon – forme hélicoïdale, en d’autres termes – (magnifique au demeurant), sans le moindre ancrage au mur, ni axe central (autres que celle formée par la jonction des différentes marches), et assemblé sans clou ni vis (non je te vois venir, ceci n’est pas une publicité pour Pattex), mais à l’aide de chevilles en bois en lieu et place de clous (et de vis).
L’ouvrage mesure un peu plus de 6 mètres de haut, et semble défier les lois de la gravité.
Pour couronner le tout, l’une des choses qui avait fortement intrigué ceux qui se sont intéressés à l’escalier en question est que l’essence de bois utilisée est une variété d’épicéa. L’épicéa, c’est un arbre commun… en Europe (pas du tout aux USA, encore moins au Nouveau-Mexique).
Autre énigme, les experts amis-amis semblent avoir du mal à identifier la sous-espèce précise d’épicéa utilisée.
Il est à noter que l’ouvrage fut ultérieurement renforcé par le biais d’un ancrage à une paroi via un support métallique, et également agrémenté d’une rambarde, car malgré leur foi évidente, les sœurs eurent parfois quelques frayeurs en empruntant l’escalier (sans doute parce que personne ne leur avait appris comment utiliser ce type d’escalier).
Fortement interloquées, les sœurs de Loretto associèrent le mystérieux, bénévole et anonyme charpentier providentiel à Saint-Joseph (réincarné, pour le coup), en réponse à leur neuvaine.
Comprends bien qu’ici je ne fais que relater ce que les nonnes ont rapporté. Mon Tardis étant en fait actuellement en révision, je me fie ici à leurs dires, et n’impose en rien cela comme une vérité.
Mystère autour de la réalisation de l’escalier
L’ouvrage intrigua – pas qu’un peu, et sa réputation dépassa rapidement le Rio Grande et ses environs.
Forcément, la curiosité de nombreux charpentiers et de journalistes fut piquée au fil des années, et nombreux furent ceux qui vinrent étudier l’ouvrage.
Voici ce que plusieurs d’entre eux ont rapporté :
« It’s a magnificent work of art that humbles me as a master carpenter. To create a staircase like this using modern tools would be a feat. It’s mind-boggling to think about constructing such a marvel with crude hand tools, no electricity and minimal resources »
– Source : Tim Carter dans le Washington Post –
ou encore :
« The execution is just incredible. The theory of how to do it, to bend it around in a two-turn spiral, that’s some difficult arithmetic there »
– Source : Ben Radford dans son livre « Mysterious New Mexico: Miracles, Magic, and Monsters in the Land of Enchantment » –
Les explications des amateurs de naphtaline
(Parce qu’ils chassent les mythes – OK je sors)
Bien entendu, l’ouvrage a intéressé nombres de chasseurs de mythes, sans doute agacés par le narratif des religieux et – outrage suprême – le qualificatif de « miraculeux ».
La musicienne (et historienne amateure) Mary Jean Cook, native de Santa Fe, chercha l’identité du charpentier (un siècle après les faits), et apporta une hypothèse selon laquelle le mystérieux charpentier serait un certain François-Jean Rochas (décrit comme fermier, éleveur et… aventurier), Français ayant émigré aux USA en 1880.
Pour ce faire, elle s’est fiée à la nécrologie de Frenchie (son surnom) parue au sein du journal The Santa Fe New Mexican :
« He was a Frenchman, and was favorably known in Santa Fe as an expert worker in wood. He build [sic] the handsome stair-case in the Loretto chapel and at St. Vincent sanitarium »
Le [sic] ça doit être pour la faute d’accord. Ah ben si les journalistes se mettent à ne plus respecter la grammaire, mais où va le monde, j’te l’demande ?
ainsi qu’aux archives des sœurs, stipulant le paiement à François-Jean d’une livraison de bois en 1881, pour un montant de 150 $.
Ainsi vu, tout semble s’assembler (désolé pour l’allitération) parfaitement selon cette grille de lecture bien plus rationnelle.
Nous pouvons imaginer que notre « Frenchie » fermier, éleveur, aventurier et donc charpentier émérite avait amené avec lui, depuis la France, des planches d’épicéa, convaincu qu’il avait un chantier de ouf’ qui l’attendait à Santa Fe… D’autant qu’avant son arrivée aux USA, il vivait dans la vallée alpine de la Gresse (où l’on trouve aisément des épicéas).
Au niveau de la chronologie (François-Jean serait arrivé aux USA en 1880), cela colle également, donc l’explication est tout à fait plausible.
Ou alors c’était rien qu’un mytho qui s’est approprié un travail qui n’était pas le sien 😀
Alors : miracle de Saint-Joseph ou interprétation opportuniste de nos sœurs ?
J’aime bien me laisser une part de doute, ou me dire que c’est en fait probablement un mélange des deux. L’arrivée de notre fermier / éleveur / aventurier / charpentier depuis la lointaine France avec son épicéa sous le bras, ça tient tout de même quelque peu du miracle.
Au sein du chapitre suivant, nous allons nous intéresser au film (issu d’un roman) « Le Lys des Champs » sorti en 1963, et je vais même t’expliquer pourquoi j’y fais référence.
3- Film « Le Lys des Champs »
Ce film – Lilies of the Field en VO – est une adaptation cinématographique du roman « The Lilies of the Field » publié par William Edmund Barrett en 1962.
Je te propose tout d’abord la bande-annonce dudit film :
Que vient faire ce film au sein de cet article ?
En voici le pitch :
« Homer Smith est un homme à tout faire itinérant. Un jour qu’il se promène dans le désert de l’Arizona, il tombe sur un groupe de nonnes allemandes qui lui demandent de bien vouloir réparer leur toit. Il accepte et s’exécute. Il demande alors à se faire payer, mais la mère supérieure se fait attendre. Elle lui propose alors de les aider à bâtir une chapelle. Au début, il refuse, puis, finalement, s’exécute, et mène sa tâche à bien. Une fois le travail terminé, il s’en va sans demander son argent. »
– Source : Wikipedia –
À la lecture de ce pitch, il m’est difficile de ne pas le rapprocher de l’histoire qui entoure la construction de l’escalier de la Chapelle Loretto.
Nous avons un charpentier qui apparaît pour ainsi dire de manière providentielle afin d’assister des nonnes fort désemparée et en mal de professionnel compétent.
En outre, Homer Smith (le héros du film, ne nous mentons pas) – incarné par le mythique Sidney Poitier – ne reçoit finalement pas la moindre rétribution (dans le film, il travaille en parallèle ailleurs afin de gagner sa croûte) pour son travail.
Après, il y a quelques éléments qui divergent, histoire que le roman de William Edmund Barrett ne ressemble pas à un repompage intégral de celle de la Chapelle Loretto.
Notamment : le lieu n’est pas le même (le film se déroule en Arizona), les nonnes y sont Allemandes ou germanophones (les Sœurs de Loretto étaient quant à elles essentiellement anglophones ou hispanophones), et le personnage principal – Homer Smith construit toute la chapelle, pas « simplement » son escalier.
Sinon, la confrontation entre Sidney Poitier et Lilia Skala (qui joue Mère Maria) n’est pas sans me rappeler celle qui a lieu dans le film « The African Queen » entre Humphrey Bogart et Katharine Hepburn (le mariage en moins, faut pas déconner non plus), avec son lot de scènes franchement drôles et l’opposition de 2 personnages différents à bien des égards, mais qui s’entendent finalement fort bien (oui ceci est devenu un grand classique du cinéma depuis de nombreuses années).
Un film marquant dans l’histoire du cinéma
Si personnellement, j’apprécie l’histoire, je retiens en outre que ce film et son contexte ne sont pas anodins.
Entre sa présentation au Festival du Film de Berlin en juin 1963 et sa sortie au cinéma en octobre de la même année, un événement sans précédent eut lieu : la Marche sur Washington (pour l’emploi et la liberté) en août 1963, avec un parterre de vedettes exceptionnel (acteurs, chanteurs…), et le fameux discours « I had a dream » de Martin Luther King.
Le 13 avril 1964, Sidney Poitier reçut l’Oscar le plus convoité : celui de meilleur acteur (sous-entendu pour un premier rôle).
Il s’agit d’un fait historique, puisque Sidney fut le premier acteur afro-américain à être honoré de cette récompense prestigieuse.
L’Oscar gagné par Hattie McDaniel en 1940 pour son rôle dans le film « Autant en Emporte le Vent » fut également une étape importante, mais il s’agissait de la récompense pour un second rôle, qui plus est peu valorisant – car en ce temps et pendant un moment encore, les acteurs afro-américains étaient cantonnés à des rôles de personnes corvéables à merci – voir la carrière de Lincoln Perry / Stepin Fetchit, première star de cinéma afro-américaine.
Ceci n’est pas une review détaillée du film, loin de là, mais le lien avec l’histoire qui entoure l’escalier de la Chapelle Loretto me semblant assez évident, je n’ai pas résisté à l’envie de t’en parler.
4- Bonus tracks
Sidney Poitier | Amen :
Roger Waters | It’s a Miracle :
J’aurais également pu choisir la chanson Miracle de Willy Deville, mais voilà, il faut faire des choix et j’ai fait le mien.
Miraculeux ou non, l’escalier en colimaçon de la Chapelle Loretto continue de susciter la curiosité de nombreux admirateurs.
Sa qualification de miraculeux est bien entendu une interprétation essentiellement religieuse, dont je conviens bien volontiers qu’elle soit sujette à caution. Notamment en raison des recherches effectuées par Mary Jean Cook.
Pour ma part, j’apprécie cette qualification et cette histoire du charpentier mystérieux (et talentueux) me plait bien. Vision que je n’impose aucunement, bien entendu.
Déjà je mets des plombes à assembler un meuble, alors construire un escalier aussi fantastique avec du bois sorti d’on ne sait où, ça tient en effet du miracle, pour moi.
Bisous mes chéris 🙂
Olivier
EN SAVOIR PLUS :
- Site officiel « The Loretto Chapel » >>
(ne clique pas si tu es allergique à tout ce qui touche au domaine religieux)
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Wikipedia
https://catalog.afi.com/Catalog/moviedetails/23111
Notes rédactionnelles & mises à jour :
Article mis à jour le 21/01/2023 (CG-RYL-2023).
Article mis à jour le 21/12/2022 (Norme RYL-12-2022).
LA CULTURE SUR RYL :
AUTEUR(S) DE L’ARTICLE :
- Scatman de Scatman John - 13 juin 2023
- Prisencolinensinainciusol d’Adriano Celentano - 12 juin 2023
- Svalutation d’Adriano Celentano - 12 juin 2023
VOTES | PARTAGES | COMMENTAIRES :
Je ne connaissais pas cette histoire, ni cette chapelle…
Un grand merci à notre si prolifique Rédac Chef adoré de RYL.