Svalutation d’Adriano Celentano

Svalutation d’Adriano Celentano

12 juin 2023 1 Par Olivier - Ride Your Life
Temps de lecture estimé : 7 minutes
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« Svalutation » d’Adriano Celentano est une chanson issue de l’album éponyme, sorti en 1976.

À l’occasion de l’article sur « Il Ragazzo della Via Gluck », j’ai fait l’analogie entre Adriano et Johnny pour son côté superstar du rock, et Gilbert Bécaud pour son côté bondissant.
Je peux ajouter un parallèle entre Adriano et Michel Sardou, pour son côté contestataire et porteur de parole populaire (pas populiste, je conchie ce mot utilisé à tort et à travers).

Alors que notre Michel national chantait la France industrielle qui partait (déjà) en couilles avec « Le France », Adriano chantait l’inflation et la souffrance de la population italienne dans « Svalutation ».
Les deux chansons sont sorties à quelques mois d’intervalle.

Alors oui, Adriano, c’est aussi (et avant tout ?) une « grande gueule », avec des engagement et des prises de position qui lui ont valu autant de fans que de détracteurs. Mais c’est THE BOSS, alors voilà, hein.


SOMMAIRE :

1- La chanson

2- De quoi qu’ça cause ?

3- L’album « Svalutation »

4- Covers

5- L’inflation, c’est moche

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1- La chanson : « Svalutation » d’Adriano Celentano


– Source : Youtube | Adriano Celentano / Svalutation (live « Rock Economy ») –

Eh oui, encore un extrait du concert « Rock Economy ». Pourquoi se priver, quand c’est si bon ?


Le titre

Si tu cherches « svalutation » dans un dictionnaire italien, tu vas te heurter à un genre de bug.

En fait, ce titre est une anglicisation du mot italien « svalutazione », qui signifie – en Français – « dévaluation ». Tout un programme.


La musique

Entre le rock à Billy et le rock à Gene (mais pas à Gênes – pas plus qu’à Billy Jean) et le reggae, ce morceau peut évoquer le travail de la bande à Gordon Sumner (Sting, le gars qui a du piquant) période « Reggatta de Blanc » (mais Adriano fired the first shot, novateur qu’il a si souvent été).

Le titre a cartonné en Europe.

Mes copains et moi, nous ne comprenions rien au texte (nous n’étions pas trilingues Français / Italien / Charabia – ah non, le charabia c’était plus pour « Prisencolinensinainciusol », qui fait l’objet d’un autre article), mais nous kiffions.
Dans une certaine mesure, Adriano Celentano a obtenu avec cette chanson une grande « Satisfaction ». Et nous également.


2- De quoi qu’ça cause ?


De dévaluation et d’inflation. Si si.

Je te pose plus en détails le contexte de l’époque plus bas, mais pour faire simple, les années 1970 en Italie, c’est le bazar (et pas que le Matia Bazar).

Ambiance :

« Eh la benzina ogni giorno costa sempre di più
E la lira cede e precipita giù
Svalutation, svalutation
Cambiando I governi niente cambia lassù
C’è un buco nello Stato dove I soldi van giù
Svalutation, svalutation
»

« Et l’essence coûte de plus en plus chaque jour
Et la Lire
[italienne] fléchit et chute en bas
Dévaluation, dévaluation
En changeant de gouvernement, rien ne change là-haut
Il y a un trou dans l’État où l’argent disparaît
Dévaluation, dévaluation
»

Par la barbe de Grand Skippy, que ce genre de choses nous soit épargnée…

Parce qu’hélas, un malheur survenant rarement seul, à la forte inflation de l’époque s’ajoute une forte dévaluation de la Lire italienne (c’est fréquent, le tandem inflation / dévaluation. C’est vendu en kit, comme pauvreté et illettrisme).

Un p’tit clin d’œil (sans doute involontaire) à la chanson « À crédit et en stéréo » de not’ Eddy Michell, et tout est dit (uh uh uh) :

« Mah,
Siamo in crisi ma,
Senza andare in là
L’America è qua
»

« Eh bien,
Nous sommes en crise mais,
Sans aller plus loin,
L’Amérique est là.
»


J’enfonce une porte ouverte, mais j’le dis quand même : comme cela arrive souvent, une chanson reste d’actualité.


3- L’album « Svalutation »


De cet album, seuls 2 singles sont extraits : « Svalutation » et « I Want to Know ».

Le premier, c’est vu. Enfin c’est Svalutation 🙂

Le second est « I Want to Know », proposé en 2 versions sur l’album. La première version est plus soft et plus courte. La seconde, qui clôture l’album, est plus longue et présente un rythme rock. C’est celle qui est proposée sous forme de single.

« I Want to Know » traite d’un sujet cher à Adriano, celui de l’urbanisation galopante, des immeubles inhumains qui remplacent les vieux immeubles d’antan et les maisons individuelles, avec les conséquences sur l’épanouissement de l’humain.

Cela nous guette également, en France. Les maisons pour les seigneurs, et les immeubles pourraves pour les jacquouilles… C’est pour l’écologie, tu comprends.

Ambiance :

« Vorrei sapere (I want to know)
Come fa la gente
A concepire
Di poter vivere
Nelle case d’oggi
Inscatolati come le acciughe
Nascono i bimbi che han già le rughe »

« Je voudrais savoir [en Italien puis en Anglais]
Comment les gens font
Pour concevoir [accepter]
Qu’ils peuvent vivre
Dans les maisons d’aujourd’hui
Emballés comme des anchois
Les enfants naissent avec déjà des rides »

« Emballés comme des anchois »… Je kiffe. On dirait presque « Les sardines » de Patrick Sébastien. Mais en nettement moins festif.

Ces 2 singles présentent donc des textes contestataires.

Pourtant, plusieurs chansons de l’album sont plutôt des ballades, des histoires de cœur (et d’infidélité – « La camera 21 », une chanson vraiment magnifique avec une superbe mélodie), disons, une vision romantique de la neige (« La neve » avec une p’tite concession au disco sur la fin du morceau).
Il y a également « Uomo macchina », une vision du monde façon « Metropolis », « La barca » – une promenade en bateau avec sa chérie, qu’il imagine un instant balancer par-dessus bord et se retrouver seul, chose qu’il ne peut imaginer, puis il enchaîne ensuite afin de dénoncer les violences observées dans le sport « Vous, cœurs de pierre, comment faites-vous ? / Vous qui tuez les gens pour le sport ».
Ensuite, il y a « Ricordo », un morceau instrumental qui tire vers la bossa nova sauce disco.

Mais alors Adriano, avec toutes ces chansons intéressantes, pourquoi n’avoir extrait que les deux plus contestataires ? Avais-tu le blues ?
En fait, c’est toute l’Italie qui avait le blues, et même pire.


Le contexte

L’Italie traverse une période désignée sous le nom des « années de plomb ».

Dans les années 1960, l’Italie avait connu ce que l’on a appelé le « miracle économique italien ». Laissée dans un état terrifiant au sortir de la seconde guerre mondiale, comme la plupart des pays européens, qui plus est de ceux du camp des vaincus, l’Italie parvient à la fin des années 1950 à se reconstruire, bénéficiant notamment de son emplacement particulier (à la frontière des Balkans) et du dynamisme de son industrie renaissante. Cette période sera courte. Dès la fin des années 1960, l’onde de choc de mai 1968 se propage. Une importante dualité s’installe entre partis d’extrême droite et partis d’extrême gauche, amenant une vague d’attentats meurtriers qui endeuilleront le pays jusqu’au début des années 1980, avec notamment les brigades rouges et autres groupes révolutionnaires.

Sur le plan économique, une importante inflation (svalutazione) s’installe durablement et plombe le pouvoir d’achat. Les 2 chocs pétroliers n’arrangeront rien, d’autant que la production d’électricité (pour ne parler que de cet aspect) en Italie dépendait en grandes partie de centrales thermiques (pétrole, gaz, charbon). Le pays entame un programme nucléaire, mais celui-ci sera abandonné dans les années 1980.

Bref, tu l’as compris, c’est la merde. L’Italie est à feu et à sang, ruinée, la lire se débine (c’est le délire) et la population souffre et a le moral à 0, d’autant que la Squadra Azzura n’a pas gagné la coupe du monde de football depuis son doublé de 1934 et 1938.

Voilà sans doute pourquoi, dans un élan de réalisme et afin d’éviter de tromper son public en mettant en avant de jolies ballades, Adriano a choisi « Svalutation » et « I Want to Know » comme seuls extraits de cet album.

Dans ces années-là, le créneau des chansons légères est occupé en Italie par les Matia Bazar et autres Ricchi e Poveri, alors il ne fallait pas encombrer ledit créneau, surtout vu le contexte.


C’est un superbe album que Svalutation, et ses deux extraits – de grande qualité – occultent toutefois des titres qui auraient mérité une mise en avant. Mais voilà, Adriano, dont le cœur bat au rythme de celui de l’Italie, n’était pas d’humeur joyeuse à cette époque.


4- Covers de « Svalutation » d’Adriano Celentano


Avec une sélection partielle et forcément partiale.

– Source : Youtube | Francesco Gabbani / Svalutation (cover Adriano Celentano) –

Grand fan d’Adriano, Francesco Gabbani (non, rien à voir avec une marque de mozzarella) et notamment vainqueur du Festival de Sanremo édition 2016, il reprend dès 2012 ce standard d’Adriano, dans une version plutôt fidèle à celle de son modèle. Rien de transcendant, mais le clip est rigolo.

En 2016, il lui rendra la politesse en participant à l’écriture de la chanson « Il bambino col fucile » pour Il Mito.


– Source : Youtube | A2 / Svalutation (cover Adriano Celentano) –

Là, il y a une vraie recréation de la chanson, avec une très belle performance vocale de la bella Rossella Biolo. L’accompagnement à la guitare de Cesko Berta est subtil, avec quelques passages en palm mute au bon moment, et puis un jeu bien agressif sur le chorus.
Rossela monte dans les tours comme une Ducati rageuse, et ma foi, c’est jouissif.

Good game A2 🙂


5- L’inflation, c’est moche


Oui d’abord.

Je ne vais pas rentrer dans un grand débat concernant l’inflation, parce que je ne suis pas économiste, j’suis que web magazinier, mais disons que les périodes de fortes inflation connaissent deux contextes corolaires : la croissance suit le mouvement (elle doit être au minimum équivalente), et donc les salaires également, ou bien elle ne suit par le mouvement. Dans le premier cas, c’est le bazar, mais la casse est limitée, dans le second cas, ben c’est la merde pour nous les jacquouilles.

J’te laisse deviner le cas de figure qui nous concerne, et également comprendre que dans un contexte de forte inflation, la croissance qu’on te présente est en grande partie liée à une augmentation des prix totalement subie (prix du gaz et du pétrole, que nous importons massivement + inflation opportuniste…), et que les économistes et agents gouvernementaux oublient, étourdis qu’ils sont, que ladite croissance est en trompe-l’œil. Les volumes monétaires engagés sont en croissance, mais les volumes de marchandises le sont beaucoup moins, voire par du tout. Libre à toi d’explorer quelques sites proposant des statistiques à ce sujet.

L’inflation, donc, c’est moche.


Comme annoncé plus haut, nous retrouverons très bientôt un autre titre d’Adriano, et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit d’un des tous premiers raps de l’histoire : « Prisencolinensinainciusol », titre suggéré par mon copain Riton, qui me l’a remémoré.
Merci Riton 🙂


Bisous et s(v)alutations mes chéris 🙂

Olivier


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CRÉDITS | SOURCES | MISES À JOUR :

Crédits :

Illustration principale : Image par K. H. J. / MCI de Pixabay
Musique et vidéo : Youtube et les ayants droit
Les sociétés, personnages et marques cités demeurent l’entière propriété de leurs détenteurs respectifs

Auteurs-compositeurs de la chanson « » : Vito Pallavicini, Adriano Celentano, Luciano Beretta et Gino Santercole


Sources documentaires :

Wikipedia


Notes rédactionnelles & mises à jour :


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