Les Vocables Conceptuels – Et leur impact
24 août 2019Ceci est une photographie d’amalgames. Dentaires.
Salut les loulous,
Je sais, cette photo n’est pas ultra sexy ; il se trouve par contre qu’elle illustre – dans une autre acception – parfaitement un mot emblématique parmi ceux qui vont faire l’objet de ce billet – les Vocables Conceptuels – à savoir le mot « amalgame ».
Donc, tout d’abord, pas d’amalgame concernant les amalgames :p
Sommaire du billet « Les Vocables Conceptuels » :
1- Avant de développer l’idée… >>
2- De la variation du Champ Lexical >>
3- Qu’appelle-je un Vocable Conceptuel ? >>
4- Les Vocables Conceptuels : ces étranges envahisseurs pas venus d’ailleurs >>
5- Quelques exemples de Vocables Conceptuels >>
6- Gros plan sur Amalgame | Un alpha Vocable Conceptuel >>
7- Une fiction concernant Amalgame >>
8- Ce soir (ou Jamais !) | Émission du 9 janvier 2015 >>
9- En quoi Amalgame est-il un Vocable Conceptuel ? >>
10- Gros plan sur Stigmatiser | Un autre Vocable Conceptuel de choix >>
11- Au Vocable Conceptuel suivant : Disruptif | Une valeur d’avenir >>
12- Ce qui me dérange avec les Vocables Conceptuels >>
13- Bien entendu… | Conclusion >>
Avant de développer l’idée…
J’ai écrit ailleurs sur ce blog – notamment au sein de la page A Propos et ici – que j’écris en utilisant un style plutôt naturel, et que j’écris à l’instinct.
Pour autant, je réfléchis (avec mes moyens) tout de même avant d’écrire ; j’observe des pauses.
Pour les titres, notamment, je me creuse les méninges en me demandant si j’utilise les termes adéquats – pluriel de Sheila au début de sa carrière… oui : une Sheila a des couettes.
Bisous Sheila, je suis nostalgique de ta période Nile Rodgers – tu étais bombastiquement belle, et ça faisait longtemps que tu n’avais plus des couettes.
Cela n’est pas tout le temps simple, notamment pour cette raison.
De la variation du Champ Lexical
De nombreux experts SEO martèlent une règle d’or : la variation du champ lexical.
Cela va à l’encontre de notre utilisation courante de quelques centaines de mots à quelques milliers de mots.
Certes, l’écrit pousse à élargir notre vocabulaire. Enfin lorsque l’on écrit pas comme l’on parle. C’est pourtant en grande partie ce que je fais. Je ne me pose pas en exemple :p
Mais là, nous parlons aussi bien de la langue orale qu’écrite, et de toute façon, nous restons – là encore en moyenne, je parle de moyenne, pas de vous – limités. Tout simplement parce que notre langue contient un nombre fini (mais variable, à la hausse) de mots.
D’après l’article vers lequel pointe mon lien, le dictionnaire cité en référence comporterait environ 60 000 mots. D’après ce que j’ai lu vite fait, cela semble être le cas pour la plupart des dictionnaires, à l’exception notable du Littré, qui en proposerait plus de 130 000. Le Littré, c’est ze référence, au passage.
Inutile de vous dire que j’ai du en parcourir quelques volumes (Popa en avait une édition dans sa bibliothèque), et quand je dis parcourir… si j’en ai ouvert tel ou tel volume 10 fois, c’est un maximum optimiste. Et je n’ai pas du lire 1 000 mots à chaque fois (cela doit plutôt être de l’ordre de 2 ou 3 mots à chaque lecture…), hein :p
Je développe :
Notre langue comporte 60 000 à 130 000+ mots, nous en connaissons en moyenne 2 500 à 6 000 et n’en utilisons couramment que 300 à 3 000.
Ce qui donne : nous utilisons couramment 12 à… 100% dans le meilleur des cas, mais retenons un ratio moyen de 12 à 50% des mots que nous connaissons.
Ce ratio moyen passe à 0,5 à 5% si l’on divise le nombre de mots couramment employés par le nombre total de mots proposés par la langue française (base dictionnaires courants – si la base est le Littré, c’est pire).
Ça tourne assez vite en rond si l’on s’en tient à ces moyennes.
Alors il faut tenter de produire l’effort de varier le champ lexical, d’utiliser des synonymes, et également d’utiliser le mot le plus juste possible, ce qui n’est pas tout le temps (variation du champ lexical : j’aurais pu écrire « toujours » :p) aisé.
Pour autant, il faut utiliser – dans la mesure du possible – le mot (ou l’expression) qui sied le mieux à l’idée que l’on veut exprimer.
Difficile donc, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. Et parfois, nous pouvons donner dans la facilité.
C’est là qu’interviennent parfois les Vocables Conceptuels, que je vais définir ci-après ; ceux-ci ont à mon sens en outre une valeur toxique lorsqu’ils deviennent des raccourcis de pensée, ou des facteurs contribuant à la réduction de la pensée.
Qu’appelle-je un Vocable Conceptuel ?
Et pourquoi amalgame en ferait partie, hein ?
Ce que j’appelle un Vocable Conceptuel, c’est un mot – ou une expression – qui – parfois sorti de sa définition originelle – tend à exprimer une idée, et dans sa forme la plus grave, à signifier que le débat est clos.
Dans ces cas-là, c’est une litote employée pour dire « ta gueule » ou « tu viens de commettre un pécher capital ».
Et bien souvent, à pointer du doigt (stigmatiser ?).
Les Vocables Conceptuels : ces étranges envahisseurs pas venus d’ailleurs :p
Ces mots & expressions pas étranges venus de notre planète.
Leur destination : nos cerveaux.
Leur but : réduire la pensée.
Nous les avons tous vus, lus ou entendus.
– Source : Image par Clker-Free-Vector-Images de Pixabay –
Quelques exemples
De ce que j’appelle les Vocables Conceptuels, pas des amalgames utilisés en dentisterie.
Amalgame – donc, stigmatisation, disruptif, mental, lucidité…
Les 3 premiers sont d’usage intensif récent, les 2 suivants étaient quasiment incontournables dans les commentaires des matchs de tennis dans les années 1980. Chiants, mais moins toxiques.
Je vais ici plutôt m’intéresser aux 3 premiers.
Avec ceux-ci, nous sommes en plein cœur de ce que j’appelle donc le Vocable Conceptuel.
Gros plan sur Amalgame | Un alpha Vocable Conceptuel
Parce que ce mot là, c’est le blason de la tribu des Vocabulateurs Conceptuels.
Même si vous n’êtes pas un accroc à la télévision, mais que vous la regardez de temps à autres, il me semble improbable que vous n’ayez pas entendu (ou lu si c’était en presse écrite) ce mot là, dans la bouche (ou la plume) de certains de nos responsables politiques et/ou journalistes.
Magnéto Serge
ATTENTION : je ne souhaite ni me prononcer sur le fond ni polémiquer de quelque manière que ce soit concernant le drame que tout attentat constitue, où qu’il ait lieu, et quelle qu’en soit la cible.
Je m’intéresse au traitement médicatico-politique de la question. Merci de ne pas lire de travers ce que j’écris.
Le contexte :
Un attentat survient. L’affaire est grave, dramatique, il y a eu des blessés et même des morts. Cela est une évidence, un fait, j’ai précisé plus haut ce qu’il y avait à préciser.
L’information :
Les médias relaient diverses interventions de nos responsables politiques. Normal, RAS jusque là.
Les responsables politiques qui s’expriment évoquent une éventuelle piste islamo quelque chose. Ils ont (ou pas) des éléments, c’est leur responsabilité, je ne polémique pas, ici encore.
Plus ou moins rapidement, le(s) responsable(s) concerné(s) ajoute(nt) quelque chose du genre « la piste islamo quelque chose est envisagée. Mais attention, pas d’amalgame ». Jusque là, on se dit – parce qu’on le comprend, et même parfois parce que l’orateur l’explique – « ça n’est pas parce que nous envisageons une piste islamo quelque chose qu’il faut condamner les musulmans en général ». Jusque là encore, cela me semble être frappé du sceau du bon sens.
Allez, je vais être sincère, il y a tout de même une interprétation – certes capillotractée mais aussi qui tient de la PNL, si j’ose dire : « tu veux éviter l’amalgame mais bon, tu l’imprimes tout de même au niveau de notre cerveau. Sinon tu ne l’évoquerais pas » (je le pense quasi sincèrement : la plupart du temps, involontairement).
Voui parce que le cerveau, ordinateur complexe et merveilleux, il enchaîne les connexions à une vitesse ahurissante, et de manière rarement consciente.
En outre : allez, si, je polémique.
Je m’interroge sincèrement sur l’intérêt informatif de la précision piste islamo quelque chose…
On nous informe d’une supposition. À quoi cela sert-il ?
À ne pas amalgamer ?
Ça se complique :
Ça va effectivement se compliquer sérieusement. Dans les rédactions des chaînes de télévision et de nombreux journaux.
Intéressons-nous à une chaîne de télévision.
La dépêche AFP vient de parvenir à la plupart des rédactions (celles qui ont souscrit aux services de l’agence) : attentat à tel endroit / bilan provisoire. Je crois que les dépêches AFP, c’est factuel : elles relaient des faits, des propos, mais elles ne se prononcent pas. Si j’ai bien capté le concept.
Le service information d’un média, lui, il a tout plein de journalistes, et puis il doit produire du contenu. Anxiogène si possible. Les gens n’en chient pas assez dans leur vie, faudrait pas qu’ils s’organisent et se reprennent, insufflons-leur une dose régulière d’anxiété.
La dépêche est tombée (oui ça tombe, les dépêches) à 14h15, en plein téléfilm ou d’une émission de quelque type que ce soit. Selon la gravité (et aussi le type de chaîne), un bandeau flash apparaît en bas de l’écran, ou le programme est interrompu pour un flash info spécial.
Je vais prendre le cas d’une chaîne généraliste, qui diffuse plusieurs JT par jour.
Ce qui suit est une fiction de ma part
Au sein de la rédaction de la chaîne untel, un responsable du service information hèle un de ses subordonnés :
« Jimmy, va m’interviewer quelques basanés et demande-leur ce qu’ils pensent des attentats qui viennent d’avoir lieu »
« Euh chef, c’est quoi un basané ? »
« Ta gueule, tu m’as très bien compris, mais j’t’explique quand même : tu vas m’interviewer des musulmans et tu leur demandes bla bla bla »
Là, il y a plusieurs cas de figure, allant du candide qui insiste et va demander comment on reconnait un musulman, ou pourquoi le faire etc… Lui il ne fera pas carrière. Nous allons donc poursuivre ce dial avec un Jimmy qui va faire carrière. Parce que c’est plus court.
« Ok chef »
Jimmy prend le métro, son scooter ou sa trottinette et va micro-trottoirer dans la rue (pas en bas de sa rédaction, Jimmy sait qu’il ne faut pas trop faire ça).
Et là, Jimmy fait son job. Il retourne voir son chef.
Le chef visionne, auditionne et sélectionne.
En vue du JT suivant, une édition spéciale a été préparée. Des cadors de l’expertise issus d’organismes k’on savait même pas qu’ils existent – et k’on sait pas à quoi ils servent sont dans les loges en train de se faire maquiller.
Le JT commence, le présentateur nous met de suite au jus : t’auras un bulletin météo réduit ce soir, le reportage sur la start-up initialement prévu, tu l’oublies, la page sports, on s’en branle.
L’actualité c’est l’attentat, et surtout, en parler longtemps. Avec un peu de bol, ça va faire 1 ou 2 semaine(s) de JT. Jusqu’à ce qu’un astronome ait découvert une nouvelle exoplanète, ou qu’une star soit décédée (si une star décède durant un attentant, t’en prends pour 1 mois).
Les faits connus sont énoncés, les experts se prononcent (ils ont du boulot pour plusieurs semaines et se relaient dans de nombreuses rédactions), le micro-trottoir est diffusé.
Nous avons entendu au cours dudit JT environ 212 fois des mots tels que « attentat », « islamo », « musulmans », « terroristes », « morts » etc…
Et 2 à 10 fois « pas d’amalgame ».
Vous pensez bien, dans le micro-trottoir, tous les musulmans qui ont été dérangés, on ne sait pas trop pourquoi – enfin si tout de même : c’est parce que le chef de Jimmy le lui a demandé – mais alors eux, ceux qui sont interviewés, ils ont le droit de se demander pourquoi – alors qu’ils sont comme nous tous (c’est à dire divers dans tous les aspects de leurs vies), ben ils ont dit quelque chose comme « je condamne, ça n’est pas ça l’islam ».
Et paf, encore le mot « islam », les journalistes, responsables politiques et experts ne l’avaient pas assez prononcé.
Heureusement : pas d’amalgame, hein…
Parce que oui, heureusement, il y a bien eu les quelques mentions « pas d’amalgame ». Bon cela, notre cerveau conscient, il l’a plus ou moins compris, mais le gros du taff, il est accompli dans des zones pas vraiment contrôlées. Genre c’est complexe le cerveau.
Cet outil complexe fonctionne selon des connexions en partie aléatoires, liées à divers facteurs (séances de musculation plus ou moins intensives etc…).
Quoi qu’il en soit, c’est un processeur que nous ne sommes pas près de pouvoir reproduire à coups de transistors. Et qui pédale à une vitesse dépassant l’entendement. D’ailleurs, c’est quasiment du ressort de la physique quantique, donc le temps là-bas, même pas ça existe. Mais je m’égare.
Ainsi, sans vouloir simplifier à outrance, notre cerveau traite les stimuli issus des sens qui l’alimentent en grande partie, stimuli au nombres desquels les mots – et également les images, puisque dans mon exemple, il s’agit d’audiovisuel – appartiennent.
Dans le cas dont je parle, il doit traiter – par ordre plus ou moins décroissant – les mots listés plus haut (allez, pour rappel : « attentat », « islamo », « musulmans », « terroristes », puis loin dans le peloton de queue, « pas d’amalgame »).
Et les images. Des trucs bien gores, épouvantables pour les victimes comme pour les spectateurs direct, et indirects. Nous avons vu pas mal de musulmans, également (histoire de ne pas amalgamer, donc).
Bien entendu, notre façon de recevoir tout cela est tempérée par ce que nous sommes, ce que nous pensons, nos convictions. Ben pas de bol, tout cela est en partie issu de l’information dont nous disposons.
Je ne résume pas l’information – dieu merci – aux seuls médias. Mais c’est une source, plus ou moins incontournable, soit par effet direct (si nous les suivons), soit par effet indirect (parce que même si nous ne les suivons pas, une partie des gens qui nous entourent – et donc nous éduquent ou tout du moins avec lesquels nous interagissons – les suivent).
Une question me vient : notre cerveau aura été plus marqué par le concept « pas d’amalgame » ou bien par les images et les autres mots ?
J’ai bien une réponse, mais heureusement, j’applique ce à quoi mon hashtag invite :
#récupéronsnoscerveaux
Si cette vision vous semble vraiment capillotractée, je me permets d’attirer votre attention sur le fait qu’elle avait été soulevée par une écrivaine et sociologue française – Katouar Harchi – dans l’excellente émission (dont je déplore la cessation, au passage) « Ce soir (ou jamais !) » – du non moins excellent Frédéric Taddeï – du 9 janvier 2015.
Ce soir (ou Jamais !) | Émission du 9 janvier 2015
[Séquence je raconte ma life]
Je tiens au passage à préciser que j’en ai chié pour la retrouver, cette édition-là de l’émission.
Parce qu’autant j’avais bon sur Frédéric Taddeï et le nom de l’émission, autant j’avoue que je ne me souvenais pas du nom de cette jeune femme ; par contre je me souvenais très bien du fait qu’elle est très jolie, en plus d’être très pertinente – mais ça, ça ne m’a pas aidé dans mes recherches, les moteurs de recherche ne sont pas sensibles à la notion de recherche / admiration de l’esthétique.
Bilan : merci Wikipedia et l’article détaillé relatif à la liste des éditions de cette émission.
Ça, c’est pour me faire mousser et mettre en valeur mon travail de recherche documentaire, basé sur la rigueur, l’abnégation (et la recherche de ce que je trouve beau, mais ça, vous l’aurez compris, cépafacil).
[Fin de la séquence je raconte ma life]
« Serge, envoie la séquence, je crois que le chef il se disperse »
Bon ben : Serge, re-magnéto – et en images steuplé
Ce qui suit n’est pas du tout une fiction, par contre.
Le passage qui m’intéresse tout particulièrement se trouve à partir de 43 minutes et 17 secondes, environ.
Je cite Katouar Harchi :
« le fait que certaines personnes demandent à d’autres personnes de se justifier […] c’est déjà d’une certaine manière commencer à faire un travail d’amalgame »
Oui, je cite partiellement, c’est un genre d’arrêt sur bande-son et de troncature partielle, mais vous noterez que je relaie la vidéo et que vous pourrez y entendre l’ensemble de la phrase (et même une part importante de l’émission), et que cet ensemble ne modifie pas substantiellement le propos que je souhaite souligner.
Je précise que c’est cette intervention, à l’époque, qui a éclairé mon bulbe gris sur cette question (du « pas d’amalgame » qui en devient vite un).
Donc merci à Katouar Harchi et à Frédéric Taddeï.
En quoi Amalgame est-il un Vocable Conceptuel ?
Un mot devient un vocable conceptuel un lorsqu’il se répand dans les médias et finalement dans le langage courant, pour être ensuite repris et placé à tout va. Facilité oblige.
Quand je fais allusion au langage courant, je parle du langage que vous et moi employons (mais pas que, donc en gros, à peu près tout le monde), même si nous ne faisons pas partie des milieux autorisés (spéciale dédicace à Coluche).
Amalgame en est un – de nos jours – parce qu’il renvoie forcément à son emploi massif – dans l’acception indiquée longuement ci-avant, à l’époque où il est devenu populaire, et donc à son contexte.
Ce mot a marqué – consciemment ou non – nos esprits ; logiquement, lorsqu’il est ensuite entendu, il y a un phénomène mémoriel qui rappelle le contexte de son son emploi.
« Ne faites pas d’amalgame ». La personne qui s’entend dire cela est marquée du sceau de l’infamie. Elle amalgame, vous pensez bien si elle fait un truc vachement mauvais.
C’est quasiment de l’ordre du conditionnement pavlovien.
« Marde, j’ai amalgamé, mon organisme va réagir, j’ai le témoin rouge de le culpabilité qui va s’allumer ».
Ce genre de mot – avec tout ce qu’il induit – provoque donc une rupture parfois brutale (c’est disruptif :p) à l’occasion d’une conversation.
Prononcé par des gens qui l’emploient soit par conditionnement, soit à dessein, le résultat sera sensiblement le même.
Et là, nous sommes dans un phénomène de réduction de la pensée.
Parce qu’il existe d’autres mots ou expressions qui signifient la même chose, mais n’ont pas ce lourd passé.
Par exemple : « ne confonds pas xxx avec yyy » ; ou encore « n’assimile pas xxx à yyy » ; « n’étends pas à xxx la responsabilité de yyy » ; « ne dis pas des xxx qu’ils agissent comme les yyy ni qu’ils ont à voir quelque chose avec eux » ; « ne prête pas à xxx le comportement de yyy ».
Je ne vais pas en chercher 50, mais il y a des mots et/ou des expressions qui pourraient très bien convenir.
Mais voilà, par facilité – ou volonté de sortir l’artillerie lourde, un coup d’amalgame et l’autre nigaud il va vite se sentir penaud.
Pas d’amalgame concernant les vocables conceptuels :
Notez bien que je ne fais pas l’amalgame entre le fait que ce mot soit employé avec les conséquences exposées ci-dessus et une quelconque volonté de réduire la pensée.
Je suis un type bienséant, je vais donc dire que ce mot contribue à réduire la pensée, mais qu’il n’y a aucune volonté de le faire (faux-cul :p).
C’est juste une conséquence dérivée de la Théorie du Chaos.
Si si, sans déconner.
Si je pensais que c’était à dessein, je serais un complotiste, parce que la Théorie du Complot, c’est l’antithèse de la Théorie du Chaos. Dans la première, l’hypothèse qui prévaut est que les variables sont organisées par des gens ; dans la seconde, une constante bouge (parce qu’elle a une volonté autonome de bouger), pas parce que quelqu’un lui a dit de bouger.
Donc ceux qui parlent d’amalgame, ils le font à l’insu de leur plein gré – par conditionnement pavlovien, et personne ne les a poussés à le faire (parce que c’est un « hasard » qui a amené ce mot à être ainsi déformé).
C’est le hasard et la faute à pas d’chance si ça fout un peu la marde. Et un hasard encore plus malheureux que ce mot là finisse par stigmatiser ceux à l’endroit desquels il est utilisé.
Ah ben voui, passons à stigmatiser.
Gros plan sur Stigmatiser | Un autre Vocable Conceptuel de choix
Promis, ça va être plus court :p
J’ai commencé par lire la définition de stigmatiser :
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/stigmatiser/74714
Le Larousse en ligne c’est top, mais là j’ai senti une faiblesse dans le sens où la seconde acception me semblait pouvoir induire que l’utilisation (devenue) courante du mot était foireuse. Hypothèse à laquelle je me refuse, vous pensez bien.
J’ai donc fait appel à une seconde source – mon joker : le CNRTL – Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
Si je peux me permettre (bon ben je peux, c’est moi qui rédige :p) un parallèle médical : le dictionnaire, c’est un bon médicament, à spectre plus ou moins large ; le CNRTL, c’est la panacée.
Je peux soigner toutes mes lacunes linguistiques grâce à lui.
Voilà la définition selon le CNRTL :
https://www.cnrtl.fr/definition/stigmatiser
Cela nous permet de valider que – dans une acception indiquée en II / B – on peut donc stigmatiser quelqu’un. Enfin je veux dire que l’on peut utiliser ce mot dans ce contexte (pas que c’est bien de stigmatiser telle ou telle population).
Alors stigmatiser, ben c’est pareil, c’est devenu un vocable conceptuel.
Ça en a la forme, la couleur, l’odeur et l’usage. Parce que c’en est, en fait. Je ne vais donc pas vous la jouer façon publicité pour Canada Dry™.
Ainsi, dire à quelqu’un qu’il stigmatise (un groupe de personne), c’est une fois encore une litote pour « ta gueule », et un renvoi à des comportements dont je conviens qu’ils sont condamnables – puisque stigmatiser est devenu en vogue à peu près à la même période qu’amalgame. Et est ainsi tout autant devenu un vocable conceptuel.
Je préfèrerais une utilisation de mots ou expressions synonymes, à utiliser suivant le contexte. Ici encore, le champ des possibles est vaste : « ne pointe pas du doigt » (par exemple les cons) ; « ne malmène pas » (les abrutis) ; « ne fait pas passer pour des bouffons / craignos / débiles / salopiots » (les gens qui ne votent pas comme toi). Etc…
Parce qu’une fois encore, en utilisant ce mot, on remplace un mot ou une expression approprié par un terme en vogue, avec un lourd passif depuis son utilisation excessive.
Au Vocable Conceptuel suivant : Disruptif
Celui-là – de vocable conceptuel, la première fois que je l’ai entendu être prononcé, c’était à l’endroit d’un président d’un pays ami qui a tendance à twitter à tout va.
Et dans cette acception-là – dans le contexte moderne, il semblerait qu’il s’agisse d’un nouveau-né parmi les termes wizz à la mode / buzzifiants / dans le vent / en vogue / AKA les vocables conceptuels.
En parcourant vite fait à l’arrache le ouebe, j’ai vu qu’il figurait au sein de pas mal d’articles made in the USA.
Cette acception – dont l’usage en Français est rare, dixit ma panacée linguistique – serait donc d’essence anglo-saxonne – et issue du marketing (ok alors c’est logique).
J’avoue que le terme peut tout à fait convenir (au contexte dans lequel je l’ai entendu), et en outre, j’ai pigé de suite keske le gazier qui l’employait voulait dire.
Mais de suite, allez savoir pourquoi, je me suis dit « dis donc toi, le nouveau, ne ferais-tu pas partie de la bande à amalgamer, stigmatiser ? ».
Il y a d’ailleurs un article qui traite de sa nouvelle popularité :
https://digitalinsiders.feelandclic.com/decouvrir/definition-disruptif
J’ai par ailleurs regardé ce que mes sources linguistiques en ligne rapportaient concernant ce mot, histoire de m’assurer que je n’étais pas victime d’un phénomène d’exagération…
Comme j’ai senti le coup fourré, et surtout parce que le CNRTL donne systématiquement – à hauteur de mon expérience actuelle – l’étymologie, diverses acceptions et des mises en situation des mots, j’ai demandé directement à ma panacée linguistique une définition :
https://www.cnrtl.fr/definition/disruptif
Le mot me semble donc adapté à la situation (pour le président qui tweete) – et au moins il n’y a pas perte de sens – juste un revival d’une acception qualifiée de rare – étant amateur de vintage, je ne saurais condamner :p.
Comme il s’agit d’un nouveau-né – un genre de Start-up de la sphère des vocables conceptuels, il ne s’est pas encore trop répandu – dans le langage courant, mais allez savoir pourquoi, je lui prédis une honorable carrière médiatico-politique.
Je mise donc sur ce vocable conceptuel, et lui attribue un genre de trophée de la révélation de l’année, et suivrai sa carrière avec attention.
Ce qui me dérange avec les Vocables Conceptuels
Je l’ai abordé plus haut, mais je vais synthétiser.
Ce qui me dérange avec ces vocables conceptuels, donc, c’est qu’ils :
– Contribuent à la misère de variation du champ lexical, parce qu’ils remplacent des mots qui pourraient leur être substitués de manière souvent plus heureuse en fonction du contexte.
– Renvoient à des références négatives, connotées, et jettent donc l’opprobre sur les personnes à l’endroit desquels ils sont employés – ce qui tourne au – mauvais – gag quand il s’agit de stigmatiser.
– Participent de la réduction de la pensée, notamment en raison de leur effet de tagueulage (oui c’est un néologisme).
En les employant, on rompt le débat en usant d’un effet épouvantail.
Bien entendu…
Tout cela étant dit, je vous remercie, si vous ne partagez pas mes opinions dans ce domaine :
de ne point me stigmatiser, parce que vous trouvez mes propos trop disruptifs, et bien sûr de ne pas faire quelque amalgame que ce soit entre mes propos et une quelconque volonté de donner dans le complotisme, tout cela parce que mon mental aurait faibli et que j’aurais perdu ma lucidité.
J’en serais fort marri, et étant divorcé, vous comprendrez que cela me placerait en situation d’erreur système.
Genre ça :
Demain, promis, des billets plus légers, genre billets autour du Tatouage, de la Moto ou de la Musique.
En évitant tout vocable conceptuel :p
La zebi les loulous Ride Your Lifers 🙂
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Crédits :
Illustration principale : Image par Nina Edmondson de Pixabay
Vidéos : Youtube et les ayants droit
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A également contribué à ce billet :
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