La Vie de Marvin Hagler

La Vie de Marvin Hagler

15 mars 2021 1 Par Gichin Ray Léonard Sensei
Temps de lecture estimé : 10 minutes
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La vie de Marvin Hagler : il y a 2 jours, le 13 Mars 2021, Marvin « The Marvelous » s’en est allé rejoindre le grand mystère.

Il fait partie des boxeurs qui ont marqué l’histoire de ce sport magnifique qu’est la Boxe Anglaise – la boxe « juste avec les poings », et qui ont également marqué ma vie d’amateur de belle boxe.


La Vie de Marvin Hagler
– Source : Series: Reagan White House Photographs, 1/20/1981 – 1/20/1989Collection: White House –

Rencontre entre Marvin Hagler et Ronald Reagan dans le bureau ovale de la Maison Blanche.


Coucou les fighters,

C’est le paradoxe constitué par la mort : on ne parle jamais autant de la vie de quelqu’un que lorsqu’il vient de mourir.

La mort rappelle la vie ; elle est la seconde face d’une même pièce d’un mystère global, ou le nom donné à ce qui est l’autre partie de la vie. Je n’ai pas de réponse catégorique à ce sujet, juste des impressions, un ressenti, un espoir, une foi.

Je ne vais pas vous « apprendre » qui était Marvelous Marvin Hagler ; d’autres l’ont déjà fait, et souvent de bien belle manière.

Alors je vais vous parler de « mon Marvin à moi ». Pas que j’ai eu la joie de le rencontrer physiquement, mais simplement la manière dont je l’ai découvert, d’abord au travers de son personnage de « Bad Boy » de la Boxe Anglaise, puis au travers d’une réalité bien plus réjouissante : The Marvelous.


Sommaire du Billet « La Vie de Marvin Hagler » :


1- Bio Express de Marvin Hagler

2- La Carrière Étincelante de Marvin Hagler

3- Hagler / Leonard ou l’Art de la Guerre selon Sugar Ray « Sun Tzu » Leonard

4- Marvin « The Marvelous »

5- Vidéos de Marvin Hagler


1- Les débuts de la vie de Marvin Hagler


Naissance et jeune enfance

Issu d’une famille très modeste – sa maman, gardienne d’immeuble, l’a élevé seule, avec ses 5 frères et sœurs.
Ses premières années, il les passe au sein du Central Ward, le quartier central de Newark, dans le New Jersey.
Une « banale » histoire de la pauvreté et des difficultés de la vie, accentuée par une Amérique encore très partitionnée entre les « noirs » et les « blancs ».

Les émeutes de Newark en juillet 1967, et leurs très lourdes conséquences humaines et matérielles, conduisirent la famille à déménager dans le Massachussets, à Brockton.

La vie de Marvin Hagler avait mal commencé, elle allait prendre un tournant, l’emmener vers un destin.


Le Destin à Bockton

Là-bas, juste après avoir été malmenée par un jeune boxeur du coin à l’occasion d’une bagarre de rue, Marvin fait ce que beaucoup ont fait dans cette situation : il s’est dit « plus jamais », et s’est inscrit dans un club local tenu par les frères Guerino « Goody » et Pasquale « Pat » Petronelli.
Si Goody n’est pas le plus connu des boxeurs, il était un ami d’enfance du légendaire Rocky Marciano, et il connut une plus qu’honorable carrière de boxeur amateur, en parallèle d’une carrière au sein de l’US Marine.
La vie, c’est aussi cela, et ça ne tient souvent qu’à un fil : faire les bonnes rencontres et les bons choix.
Marvin ne le savait peut-être pas, mais il avait frappé à la bonne porte. Sa vie difficile allait changer radicalement. Dans la sueur et parfois le sang, mais avec au bout du compte, la gloire, la prospérité et l’entrée dans la légende.

Parce que oui, la boxe, c’est en premier lieu cela : de la sueur ; celle de l’entrainement, avant tout.
Puis des coups, donnés et reçus, parfois du sang, et au final, cet incroyable mélange de sueur, de sang, de combats âpres et d’immense respect.
Si ce terme de respect est assez souvent malmené en raison des combines, des coups foireux et autres magouilles souvent induits par la compétition – qui devient un business – le boxeur respecte son adversaire – qui est en fait bien plus un partenaire – du jour.
Tout simplement parce qu’au fond de lui, il sait que son seul véritable adversaire, c’est lui-même, et que sans celui qui est désigné comme son adversaire / partenaire, il n’aurait jamais l’occasion de faire face à ce véritable adversaire – lui-même – de manière aussi flagrante, pour ne pas dire pure.
Pour ma part, j’ai mis des années à comprendre cela.

L’adversaire / partenaire, c’est cet incroyable miroir qui permet à chaque boxeur de se voir lui-même, de se défier, de se découvrir.


L’ascension de The Marvelous

Marvin progresse vite, et Goody – qui s’occupe de la partie technique / coaching du club, pendant que Pat s’occupe du business et de l’organisation des combats – à l’œil et a rapidement vu un jeune homme déterminé, et doué, très doué.

La suite est assez habituelle pour un futur champion : l’entrainement intensif, les premiers combats, les premières victoires, l’ascension puis aussi les coups d’arrêt – qui sont juste des paliers quand la ténacité puis le talent s’ajoutent à quelques bonnes conditions (le bon coach, le destin…) – comme ce premier combat pour le titre mondial en 1979, contre Vito Antuofermo, soldé par un « draw » (une égalité) controversée. Qui dit draw dit conservation du titre par le défenseur de celui-ci.
Une grosse pression avait conduit Marvin à boxer peut-être plus timidement qu’à son habitude, et cela allait lui coûter la victoire.
Il apprendra de cela, comme tous les grands sportifs.

Suivront pour Marvin 7 années de règne – de 1980 à 1987 – dans la catégorie des Poids Moyens, celle qui avec ses catégories voisines (Welters notamment) a vu à mon sens les plus beaux techniciens de ce sport : Marvin, bien entendu, mais aussi Sugar Ray Robinson, Sugar Ray Leonard (oh, ça me rappelle un pseudo…) et tant d’autres.
Mais ces 3 là, pour moi, c’étaient des magiciens.


2- La Carrière Étincelante de Marvin Hagler


Parce que des étincelles, il y en a eu. Les matchs de Marvin Hagler sentaient souvent la poudre, et il n’était pas le dernier à allumer la mèche.

En 1980, Marvin affronte Alan Minter, alors détenteur de la ceinture mondiale, à Londres.

Le combat commence dès la conférence de presse : Marvin refuse le check de la main – « je ne touche pas de la chair blanche » et Minter lui répond « ça n’est pas un noir qui va me prendre mon titre ».
L’ambiance est annoncée : un boxeur noir va affronter un boxeur blanc à Londres. Les USA pas encore dirigés par Ronald Reagan contre l’Angleterre en crise de Margaret Thatcher.
Un affrontement presque politique au sein capitale de l’ancienne maison-mère des USA, devenue tantôt filiale, tantôt enfant rebelle. Devant un public acquis à la cause du détenteur, et majoritairement blanc.

Le premier round est ce que l’on pourrait qualifier de round d’observation, même si ça tabasse – nous sommes chez les moyens, ça va vite. On sent toutefois une domination de Marvin, elle n’est pas encore écrasante.

Au second round, ça n’est déjà plus la même chanson. Marvin a compris et calculé Minter. Il va le punir et l’achever, très vite.
À la suite d’un joli crochet de Marvin, pour la première et la dernière fois du match, Minter fait le malin, genre « même pas mal, reviens essayer ». En garçon pratique et poli, Marvin va répondre à l’invitation et lui ouvrir l’arcade.
Marvin danse, esquive. Il vole pendant que Minter commence à avoir le pas plus lourd. Seuls quelques jabs de Minter atteignent Marvin, et ça n’est pas ainsi qu’il risque de le coucher.

Au troisième round, c’est vraiment la punition. Marvin fait voler le protège-gencives de Minter, et décide de parachever le travail de sclapel de ses gants. Minter saigne abondamment, il ramasse des séries. Envoyé dans son coin par l’arbitre pour contrôle technique, Minter voit son entraineur, le médecin et l’arbitre lui-même être unanimes : arrêt du combat.

La suite est chaotique. Là où Marvin aurait dû savourer son titre, il doit sortir précipitamment avec son staff : les insultes et les projectiles fusent.
L’Angleterre blanche en crise a perdu face à la puissance dévastatrice d’un immense boxeur qu’elle ignorait jusque là.

Je ne veux surtout pas résumer la vie d’un homme à sa couleur de peau. Pourtant, le contexte social induit par cette différence explique pour beaucoup ce qu’à été ce combat.

Marvin est le nouveau champion du monde et va le rester très longtemps.

Il va en effet le rester jusqu’en 1987, réussissant plusieurs unifications de titres (parce qu’en boxe anglaise, il y a plusieurs ceintures mondiales).
Entretemps, il aura défendu sa ceinture 12 fois. Et pas face à des seconds couteaux : figurent au sein de la liste de ses victimes Roberto Durán et Thomas Earns, pour citer les plus prestigieux – et dangereux – d’entre eux.


3- Hagler / Leonard ou l’Art de la Guerre selon Sugar Ray « Sun Tzu » Leonard


En 1987, Marvin affronte une autre légende : Sugar Ray Leonard.

Dans une certaine mesure, ce fut héroïque de la part de Sugar Ray de remonter sur le ring : il avait arrêté de combattre 3 ans auparavant, notamment en raison d’une sérieuse opération à l’oeil, et les 2 années précédant cet arrêt, n’avait livré qu’un combat officiel.
Sur le papier, Marvin était donné favori : il était encore au top de sa carrière ; Sugar Ray était donc totalement un challenger limite outsider, de par la détention de la ceinture par Marvin depuis près de 7 ans, et son parcours global – Sugar Ray était finalement bien moins expérimenté que Marvin, en termes de nombre de combats pros à son actif, et revenait de loin…

Mais tout cela, c’est le « papier », enfin en partie.
Sugar Ray, c’était l’un des plus grands calculateur de l’histoire de la boxe. À l’instar d’un Alain Prost du temps de sa splendeur dans le monde de la F1, Sugar Ray n’était pas que virtuose de son art : il calculait tout.
Dans le cadre de ce match de légende, il l’a jouée à la façon du vieux coq qui voit le jeune coq sûr de lui débarquer dans le poulailler, genre « t’es bien conscient, et moi aussi, du fait que t’es meilleur et plus en forme que moi, alors je vais te poser quelques conditions ». Ce que le camp de Marvin accepta, vraisemblablement sans broncher, en échange d’une promesse de gains plus élevée.
L’entourloupe était en route. Je ne parle pas du tout de tricherie. Je veux juste parler d’une incroyable stratégie du camp Sugar Ray, et en face, ils n’ont rien vu venir.

Les conditions imposées par Sugar Ray : un ring plus grand qu’à l’accoutumée, des gants plus lourds (10 oz contre 8 oz) et 12 rounds au lieu de 15.
Ajoutons à cela que Sugar Ray s’était entraîné dans le plus grand secret via des combats officieux, dans des conditions de combat pro, loin des caméras. Et cela, le camp Marvin ne l’a jamais su.

Pour ce qui concerne les conditions négociées :

  • Un ring plus grand, pour avoir plus de latitude afin de gérer la distance.
    Si Marvin bougeait déjà très bien, Sugar Ray savait faire l’anguille. Voir le combat afin de s’en rendre compte.
  • Des gants plus lourds pour frapper moins, mais frapper lourd, peut être, mais bien plus encore parce que Sugar Ray adoptait une garde de type « Phily Shell » (cliquez si vous voulez plus d’explications, et allez au paragraphe « Philly Shell »), induisant une moindre fatigue des bras, alors que Marvin, lui, il allait boxer avec sa garde habituelle, les bras bien plus hauts, et que l’excédent de poids des gants, il allait le porter durant tout le combat.
    Même s’il entame le match dans une garde classique, Sugar Ray revient très vite à sa si chère Philly Shell, la garde des plus grands enfumeurs de l’histoire de la boxe.
  • 12 rounds au lieu de 15
    Explication possible : parce que forcément, si le combat devait durer, il ne fallait pas aller au-delà, car même avec son entraînement intensif, Sugar Ray savait que ça ne devait pas durer trop s’il voulait gagner aux points, donc en allant au bout.
    Ça, c’est probablement ce que le coin de Sugar Ray a voulu faire croire à celui de Marvin, je pense.
    « Ah, il demande 12 rounds, il sait qu’il ne va pas tenir la distance… ».
    Si ça n’est pas de la master class d’enfumage…

Je ne comprends même pas comment le camp de Marvin a pu se laisser enfumer de la sorte.
Excès de confiance, peut-être d’arrogance. Sous-estimation du génie stratégique de Sugar Ray, aussi, probablement. Et du génie calculateur de celui-ci.

Le combat durera 12 rounds. Il ira donc à son terme, et Marvin perdra aux points. Sa première défaite depuis 1976.

Des mois durant, il attendra une revanche, qui ne viendra pas. Sugar Ray annoncera sa énième retraite. Puis reviendra encore et encore. Tel un grand stratège, mais aussi, malgré toute l’admiration que je lui porte, un grand fourbe / Calculateur.
Marvin prend quant à lui une vraie retraite – définitive donc, en Juin 1988 : lui, il ne reviendra jamais en arrière
, malgré ce qui restera sans doute une blessure ouverte, avec un gout amer.
Sa carrière pourtant brillante ne termine pas en apothéose ; il l’aurait pourtant tellement mérité.


4- Marvin « The Marvelous » Hagler


Marvelous, c’est bien sûr un jeu de mots basé sur Marv, l’abréviation de son prénom.
Au départ, c’était un surnom qu’il s’était donné lui-même. Un surnom par lequel il appréciait être appelé. Et il tenait.
Tant et si bien qui’en 1982, il finit par faire modifier son état civil : Marvin Nathaniel Hagler devint alors Marvelous Marvin Hagler, très officiellement.

Pétage de plombs, surestime de son ego, arrogance ?

Rien de tout cela, je pense.
J’y vois bien plus une revanche sur une vie qui avait démarré dans des conditions difficiles. Peut-être une manière de forcer le destin : se donner un tel surnom – devenu prénom officiel – allait lui ouvrir les portes d’une réussite en laquelle il a su croire et pour laquelle il a sué sang et eau.

À l’occasion d’une interview accordée dans le cadre du Letterman show en Mai 1985 – peu de temps après sa victoire face à Thomas Hearns, il en plaisantait avec l’animateur. Celui-ci – lui posant la question de l’origine de ce surnom – se vit répondre « fondamentalement, je me sens merveilleux ». Avec un sourire jusqu’aux oreilles.


The Marvelous Bad Boy

Au fil du temps, j’ai regardé quelques vidéos d’autres interviews de lui, et y ai découvert un homme affable, poli, d’une grande élégance. Bien loin de son image de « bad boy » de la boxe, qu’il avait pourtant très bien su cultiver. Probablement sa seule concession au marketing.
Je me souviens d’ailleurs que lorsque le film Rocky III est sorti au cinéma, il semblait évident que le personnage de Clubber Lang – incarné par Lawrence Tureaud (AKA Mister T.), avait été inspiré par Marvin.

Marvelous, il faisait flipper, et – tel un « méchant » du catch – il jouait le rôle. Bien entendu, peu de boxeurs ont joué le rôle d’un bisounours – parce que faire peur fait partie du jeu – mais Marvin, il forçait parfois le trait.


Palmarès de Marvin Hagler en Boxe Anglaise

  • 67 combats.
  • 62 victoires dont 52 avant la limite, un record au niveau du ratio.
  • 2 matchs nuls.
  • 3 défaites, dont aucune avant la limite.
  • Champion du monde des Poids-Moyens WBA, WBC et IBF de 1980 à 1987, avec 12 défenses victorieuses de son titre.

Reconnaissance par le métier

Un tel phénomène ne pouvait pas échapper à la reconnaissance par les gens du métier.

Parmi les plus prestigieuses :

  • Combattant de l’année par la BWAA, en 1983 et 1985.
  • Combattant de l’année par le magazine Ring, en 1983 et 1985.
  • Admission au sein du International Boxing Hall of Fame en 1993.
  • Admission au sein du World Boxing Hall of Fame la même année.

La vie de Marvin Hagler après la boxe

Marvin s’est retiré en Italie, où il s’est marié une seconde fois, et a vécu jusqu’à sa mort.

Il a mené une carrière au cinéma, jouant dans quelques films d’action.


5- Vidéos de Marvin Hagler


Marvin Hagler vs. Alan Minter : la conquête du titre des Poids-Moyens

Une démonstration de puissance de la part de Marvin, dans une ambiance hostile et délétère.


Marvin Hagler vs. Thomas Hearns : le choc des géants

– Youtube | Marvin Hagler VS Thomas Hearns (combat en entier) –

Un combat d’anthologie, avec un échange de mines durant 10 minutes effectives, soldé par une victoire par KO technique de Marvin sur Thomas, durant la 3ème reprise.


Marvin Hagler vs. Sugar Ray Leonard | Les temps forts

Une défaite aux points du camp de Marvin, supportée par lui seul.


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Voilà voilà, pour ce qui me concerne, ce fut la vie de Marvin Hagler.

Et comme le dit Nathan Algren, personnage incarné par Tom Cruise dans « Le Dernier Samouraï », répondant à l’empereur, qui lui demandait comment Katsumoto était mort : « [plutôt de vous dire comment il est mort, ] je vais vous raconter comment il a vécu ».

Enfin de mémoire, pas au mot près, mais l’idée est là.


Son prénom m’évoque par ailleurs une chanson des Commodores (période post Lionel Richie) : Nightshift.

Bien entendu, ils ne parlent pas du même Marvin.
Mais ce soir, je te la dédie à toi, Marvelous Marvin Hagler.

Oss,

Gichin



Crédits :

Illustration principale : Image par aslan22 de Pixabay
Vidéos et Musique : Youtube et les ayants droit
Wikipedia pour les informations qui me manquaient


Auteur de l’article :

Gichin Ray Léonard Sensei
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